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VII Harmonie invisible dans les natures mortes de Willem Claesz Heda

J’avais toujours été fascinée et éblouie par les étals des marchés aux poissons. Leurs écailles aux teintes métalliques et argentées comme des métaux précieux, aux reflets irisés et bleutés tels le saphir ou le miroitement d’un ciel de plomb sur la mer frémissante un jour d’orage, lorsque le vent fait frissonner le miroir de l’eau d’éclairs changeants, aux rougeoiements éclatants comme le rubis ou la soie pourpre des cardinaux en opposition avec la chair tendre et orangée des saumons frais et les nuances nacrées de roses des crevettes sur leur lit de glace blanche parsemé d’algues vertes m’émerveillaient comme une nature morte de Willem Claesz Heda qu’éclairait une lumière qui n’est pas la lumière naturelle et qui provient d’une source mystérieuse, non apparente dans le tableau, qui projette une lueur quasi mystique sur la transparence des verres et donne à ses tableaux une connotation religieuse, si tant est qu’ entr’apercevoir la beauté d’une chose, d’un être, d’un paysage c’est contempler l’image, le reflet, le rêve terrestre de la Divinité. Ces natures mortes par la suggestion d’un foyer lumineux invisible à l’extérieur de la toile faisaient un peu penser à l’Allégorie de la caverne où la lumière, la forme, l’« eidos » ne pouvait jamais être contemplé sans une anabase en ce que les hommes n’avaient pas encore fait l’expérience de la vérité et habitaient par conséquent le royaume des ombres. La lumière en effet était tellement éblouissante pour les esclaves habitués à contempler des reflets que lorsqu’ils se détournaient des mirages pour regarder la vraie réalité, ils en étaient comme aveuglés. Et ce n’était qu’après s’être habitués à la clarté, qu’ils pouvaient enfin ouvrir tout grand les yeux.

J’avais toujours été fascinée aussi par les bars dans lesquels j’entrais pour échapper quelques instants à la solitude qui m’échoyait mais souvent, je ne parlais pas, je commandais un verre et contemplais le chatoiement de la lumière sur le verre et la carafe, brillante comme les pièces de monnaie posées sur la dorure du comptoir et au fond du verre, je trouvais souvent, non pas l’ivresse, mais une perle frangée d’or, ou un diamant au liseré d’argent. Les bouteilles multicolores suspendues les unes à côté des autres et les sirops bigarrés de toutes sortes de fruits, rouges, jaunes, verts, roses, oranges, bleues, comme les diaprures des ailes de papillon, comme les reflets irisés de la lumière sur les bulles de savon, comme les couleurs de l’arc-en-ciel, les bonbons bariolés en forme de fraises ou de citrons orchestraient de leurs multiples teintes, nuances et variations cette célébration de la lumière artificielle, de ce demi-jour, ce devait être pour moi l’image même du paradis parce que j’éprouvais alors comme une illumination, un peu comme le capitaine Haddock qui ne conçoit pas un voyage sur la lune sans une bouteille de whisky, dût-il mettre en danger tout l’équipage. C’est en effet un peu sur une autre planète que je me trouvais alors, non par une consommation excessive d’alcool, mais parce que je contemplais la beauté comme les ailes d’un oiseau exotique, l’éclat des couleurs et des reflets au sein d’une pénombre qui n’était pas l’obscurité complète mais laissait pénétrer la lumière, mais quelle lumière, était-ce la lumière électrique, la lumière du jour ou bien quelque chose d’autre ? Un mélange ente la lumière des néons et la lumière diurne laissait filtrer la lumière divine, cette lumière qu’on ne voit d’habitude pas à l’œil nu mais dont je percevais les éclats radieux. Une fois, il m’était arrivé de voir dans un verre de vin qui avait une belle robe rouge, alors que je dînais dans un restaurant, des escarboucles, des grenats et des almandins qui auraient scintillé de feux pourpres et intermittents à la gorge d’une belle femme en tenue de soirée. Le garçon ne comprenait pas pourquoi je restais si longtemps à regarder cette cruche de vin, sans la boire, pourquoi j’avais attendu la fermeture sans même y toucher, il m’observait d’un air méfiant, craignant que j’en oublie de payer.

Claire d'Orée


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  • Tétanisante inertie
    28.05.2020 12:18
    procrastination ?
     
  • Larme...
    28.05.2020 12:17
    je pense que je voulais dire un truc spéciale... caché... intrigant :-)
     
  • Larme...
    28.05.2020 12:15
    bah en fait je ne sais même plus ce que voulais dire !! lol :-) en tous cas attristés prend ées :-)
     
  • Haïku doré
    26.09.2012 16:01
    Bon Jour, Ciel, Si je puis me permettre, en toute amitié: 5/7/5 Vaste champ d'épis - Mot de saison ...
     
  • Lettre par Aurore Dupin
    23.09.2012 10:27
    aurore Dupin est le vrai nom de George Sand, elle a envoyé cette lettre à Alfred de Musset... je vous ...